Les premiers hommes
Surplombant la vallée de l’Yonne, la contrée voit passer, depuis la nuit des temps, des hommes et des femmes trouvant par le fleuve et son environnement de quoi subsister de la pêche et de la chasse.
Ces hommes du paléolithique ont laissé des traces sur les collines environnantes, que ce soit à la « Colonne », commune de Montarlot il y a près de 20 000 ans, tout comme à « Pincevent », à la Grande-Paroisse ou bien au « Bois des Razet » à Misy sur Yonne.
Plus près de nous, il y a environ 2 à 3 000 ans, des hommes du néolithique ont oublié ou perdu leurs outils et quelques ustensiles tout le long du fleuve. Ils profitaient de l’étiage durant l’été pour camper sur les bancs de graviers et passer d’une rive à l’autre par les gués naturels, chassant et s’abritant dans les forêts des collines environnantes durant l’hiver. Notre sous-sol est riche en silex, matière première indispensable pour tailler armes et outillages. Du matériel a été trouvé au « Port » à La Brosse-Montceaux. Des restes de construction à Marolles sur Seine. Des menhirs ont été dressés, « La Pierre aux Couteaux » à Diant, « La Pierre Cornoise » à Thoury.
Nos ancêtres les Gaulois
Ces hommes ont commencé à se fixer, en travaillant la terre riche des vallées de l’Yonne, de la Seine ou de l’Orvanne et en domestiquant les animaux.
Les Sénons devinrent un peuple très puissant et très riche dans la Gaule du IVème siècle avant JC, « Le plus puissant peuple de Gaule » dira d’eux Jules César. Au IIIème siècle, « Agendicum » leur capitale, qui deviendra Sens plus tard, était peuplée d’environ 10 000 habitants et son territoire ou « Pagus » s’étendait au nord jusqu’à la forêt de Sénart et Etampes. Autant dire que notre village était en plein cœur du « Pays Senones ». Leurs chefs entraînèrent quelque 15 000 guerriers dans la bataille d’Alésia.
Dès le Vème siècle, beaucoup de noms de lieux que nous connaissons aujourd’hui sont apparus. La contrée s’est peuplée de plus en plus, les « Villae » romaines devinrent progressivement paroisses. Au IXème siècle, tout le territoire était couvert de villages, à l’exception de quelques contrées difficiles à pénétrer comme les immenses forêts de Bière et d’Othe, ou le plateau du Gâtinais couvert de bois et de marécages. Les moines de l’Ordre de Saint-Benoît arrivaient, plantaient leurs tentes, défrichaient et bâtissaient des granges qui devenaient des fermes puis des hameaux. Quand les Vikings remontèrent les cours de la Seine et de l’Yonne depuis les côtes Normandes, ce fût pour détruire et piller ces villages et monastères, tel celui de Saint-Rémy de Sens installé à Vareilles dont dépendait notre paroisse durant plusieurs siècles.
Dans le « Liber Sacrementum » du Pagus de Sens du IXème siècle, nous trouvons des noms bien connus :
Dedenz : Diant, Voas : Voulx, Thohirey : Thoury, Montoliorum : Montereau, Konodum ou Canalis : Cannes, Mirea : Misy, Vinnovum : Vinneuf, Villamnovan : Villeneuve, Blenna : Blennes,.etc Des Chartes sont signées entre les Abbayes et les grands ou petits seigneurs locaux du diocèse. Apparaissent dans ces documents : Imantia : Esmans en l’An 680, Montemichao : Montmachoux en l’An 810. Villanovae et Cavanariae : Villeneuve et Chevinois en l’An 833, Guuarchiacum : Guerchy en l’An 884 Fraxinus : Fresnes en l’An 920.
Le temps des Seigneurs
Le Pagus de Sens, devenu Comté dès le VIIIème siècle, est réuni à la Couronne de France au Xème siècle, puis démantelé au profit des Comtes de Champagne et de Troyes ou de Joigny. Cette période de l’histoire de France dite féodale, du XIème et XIIème siècle, avec ces grands Seigneurs, les Comtes puis en-dessous d’eux les grands et petits Barons, et en dessous d’eux encore des petits seigneurs locaux, des nobles, des possesseurs de fiefs ou de villages, auxquels s’ajoutaient les dignitaires ecclésiastiques, des évêques, des archevêques ou des abbayes, propriétaires de nombreuses terres ou fiefs, était sans doute la plus riche du Moyen-Âge. Au XIIème siècle, le fief était partout, il s’échangeait, se vendait, se transmettait, s’usurpait parfois, sans continuité territoriale.
C’est dans cette période qu’apparaissent les premières traces écrites de notre village.
Le Chevinois en l’an 833, Fresnes en l’An 920.
Le premier château ou plutôt la motte féodale du Seigneur de Guerchy d’après les historiens, doit dater de cette époque. Il s’agirait d’une tour de guet dominant la vallée et l’ancienne voie romaine reliant Sens à Paris. Sur les cartes anciennes du village, nous voyons bien une plate-forme d’environ 50 mètres de diamètre, cernée de douves, estimée à un arpent du XVIIIème siècle. Ce château ne pouvait pas être seul au milieu de la campagne. Des petits artisans côtoyaient des fermiers, des bûcherons, des charbonniers, des éleveurs et tant d’autres métiers ruraux aujourd’hui disparus. Un autre château féodal, pas très loin, surveille la vallée, celui de la Forêt appartenant à la Seigneurie de Cannes. Dès le XIIème siècle, un premier édifice religieux est signalé à Montceaux. Est-ce un oratoire, une chapelle, destiné d’abord au seigneur de Guerchy ?
Dom Morin, Grand Prieur à l’Abbaye de Ferrière en Gâtinais sous le règne du bon Roi Henri IV, érudit de son époque, a écrit dans son livre Histoire du Gâtinais : « L’abbé de Saint-Rémi de Sens put obtenir de Thomas Becket, Archevêque de Cantorbéry réfugié dans l’Abbaye de Poligny puis dans celle de Sainte-Colombe lez Sens, la consécration de l’église de Montceaux entre 1167 et 1168 » tout comme celle de Saint-Nicolas de Montereau ou Notre Dame de Moret, consacrée aussi par Mgr Thomas Becket à cette époque.
Cette église primitive n’avait que deux travées, des murs épais, éclairée par de petites fenêtres carrées. Dom Morin écrivit aussi que lors de sa visite à La Brosse, il a vu à gauche du chœur deux tombeaux et effigies de pierre avec les inscriptions « Messire Jean Grou est cy enterré… ». Une autre : « Ci gist Guillaume de Montceaux… ». Ces deux Seigneurs posséderaient les terres de Montceaux durant cette période.
Au XIIIème siècle, la population augmentant, on rajouta une troisième travée ainsi qu’un massif clocher côté nord. Sa cloche, fendue accidentellement le 8 mai 1945 pour célébrer la signature de la capitulation nazie, repose aujourd’hui sur un chevalet qui la met en valeur. D’un diamètre de 67 cm et d’un poids de 180 kg, elle est gravée en relief :
IE : NOM : POUR : G : G : CURE :DE : CEANS :ET : P : IEHA :REGNAUST
Peu d’informations sur le XIVème siècle, si ce n’est que la région fut ravagée par les guerres avec les Anglais. Plusieurs villages ou hameaux furent définitivement détruits et jamais reconstruits.
La famille de Poisieux
Au milieu du XVème siècle, vers 1466, Aymard de Poisieux, issu d’une famille du Dauphiné, bailli de Sens, acquiert la seigneurie de Marolles, Vallery, Montceaux, Guerchy et La Brosse. Immense, elle s’étendait jusqu’à Dontilly. Aymard de Poisieux fit voûter le chœur de l’église ; sa veuve, Marguerite de Montorcier, fit don d’une cloche en 1478 qui est toujours en place.
D’un diamètre de 63 cm et d’un poids de 150 kg, elle est gravée en relief également :
: marguerite de montorcier dame de marrolle et de la brosse mcccclxxvm :
: notre dame de mocians :
A sa mort, en 1497, ses fils Louis, Claude, Michel et Jacques de Poisieux se partagèrent la seigneurie. Le dernier des Poisieux vendit ses terres à la Duchesse d’Etampes qui elle-même les céda le 10 juillet 1545 à Gallois de Bailleul, seigneur de Longpont en échange de la Seigneurie de Chevreuse.
La veuve de ce dernier, Jeanne de Sourches, vendit en 1582 l’ancien château féodal et les terres de Guerchy à Etienne Dubreuil, maître de requête, seigneur de la Genevraye ; celui-ci fit construire un nouveau château sur l’emplacement actuel en remplacement du vieux manoir féodal de Guerchy.
Le 3 octobre 1618, Pierre Andras, acquit le domaine de Montceaux et de Guerchy. Pierre Andras, qualifié Baron de l’Epine et de la Boissière en Poitou mourût le 15 mai 1644 et fut inhumé dans l’église de Montereau. Sur sa tombe, arrivée à La Brosse, est gravé : « Ci git Mussire Pierre Andras, seigneur de Gurchi, La Brosse-Montceaux et Neuilly. Conseiller du Roy, Maître d’hôtel ordinaire du Roy, commissaire ayant la conduite et police du régiment des gardes françaises de sa Majesté, lequel est décédé à Paris le quinzième de Mai mil six cent quarante quatre, âgé de soixante onze ans quatre mois. »
Son fils aîné, Nicolas Andras, fût inhumé dans le même tombeau. Son second fils, Jacques Andras, le 7 avril 1636, prend le titre de Commissaire du Roy et correcteur de la Chambre des Comptes.
La Famille de Paris
Le 18 septembre 1666, Jacques Andras vendit le domaine à François Auguste de Paris de La Brosse qui devint seigneur de Montceaux, Neuilly et Guerchy. Il était maître des comptes depuis le 14 mai 1651 et devint Président de la Chambre des Comptes le 11 octobre 1670. A sa mort, le 15 février 1695, il fût inhumé au couvent des Grands Augustins à Paris.
C’est à cette époque que le hameau de La Brosse, dépendant jusqu’ici de la paroisse de Cannes fut rattaché à celle de Montceaux par décret de l’archevêque de Sens, Mgr de Montpesat, le 7 janvier 1678. Les quelques habitations en lisière de la Forêt de Cannes restèrent sous l’autorité du Seigneur de Cannes.
En 1709, le village qui venait de subir durant plusieurs années les grands froids et les grandes famines qui décimèrent le quart de la population française, était peuplé d’environ 280 habitants répartis dans 79 maisons. « Cette année là, il plût tout l’hiver jusqu’aux Rois, puis un matin à 7 heures un grand vent d’Est se leva et en moins d’une heure la Seine butinait. Le mardi, la Seine était prise, on la passait sans chercher son chemin. Le pain et le vin gelaient au coin du feu. »
Le 5 mars 1689, Anne-François, fils de François Auguste de Paris de La Brosse, le remplaça à la Présidence de la Chambre des Comptes, fonction qu’il occupa jusqu’au mois de janvier 1739, il décéda en décembre 1741 à l’âge de 81 ans en son château de La Brosse-Montceaux. Anne-François de Paris sera le premier à être inhumé dans le caveau familial du village. De son vivant, les habitants du village sont en conflit avec les Pères de la Mission, remplaçant les religieux de Saint-Rémi de Sens, pour savoir qui devrait payer les travaux de réparation du clocher qui menace d’effondrement.
Anne-César François de Paris, tout comme son père, occupa la Présidence de la Chambre des Comptes jusqu’à sa mort le 13 avril 1762 et fût inhumé au Couvent des Grands Augustins, comme son grand-père. Il eut six enfants de sa seconde femme, dont Anne-François de Paris de La Brosse, marquis de Pontceaux-sous-Montreuil, né le 23 mai 1737. Egalement président de la Chambre des Comptes à la mort de son père, il céda cette fonction à son fils Anne-François Alexis de Paris de La Brosse en 1786, présidence qu’il dut abandonner à la Révolution.
Nous avons un bel aperçu de ce que pouvait être le village de ces années où le Roi Louis XVI envoyait La Fayette aux Amériques. Le terrier du village de 1775, ancêtre de notre cadastre, où chaque propriété minutieusement dessinée et décrite est suivie du montant de l’impôt dû au Marquis Anne-François Alexis de Paris. Quelques années plus tard, notre Marquis est interné par les révolutionnaires, les habitants du village réclamèrent par courrier sa libération, vantant sa générosité et sa bonté envers ses sujets. C’est durant la Révolution, en 1790, que le village fut le plus développé avec 552 habitants.
En 1836, le nouveau conseil municipal lance le projet de construction d’une maison d’école comprenant une classe avec le logement de l’instituteur attenant et la mairie à l’étage. Ce projet aboutira deux ans plus tard rue Grande.
Ce même conseil municipal devra, dès novembre 1845 se battre contre la Compagnie des Chemins de Fer de Paris à Lyon afin d’obtenir, lors des travaux de terrassements de cette voie nouvelle, un passage à niveau chemin de la Grande Rangée et un second sur le chemin des Avaux afin de permettre aux gens du pays d’accéder à la rivière et de pouvoir rentrer leurs récoltes ou de mener les bestiaux à la rivière. Le 12 août 1849, cette nouvelle ligne de chemin de fer est inaugurée par le nouveau Président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte
Les temps modernes
Avec le marquis Alexis de Paris qui mourut le 5 mai 1847 à La Brosse-Montceaux, ont commencé les grands travaux de remaniement du château ainsi que ceux du parc, une aile entière du bâtiment a été démolie. Le grand paysagiste du Second Empire, Jean-Pierre Barillet Deschamps, jardinier en chef du service des promenades et plantations de la Ville de Paris, aménageur des bois de Vincennes et de Boulogne, des Buttes Chaumont et du parc Monceau entre autres, aurait prêté son concours à l’aménagement du parc du château de M. le Marquis de Paris. Le parc change de physionomie, le marquis et Madame suivent la tendance du moment, ils abandonnent la rigidité et la monotonie du tracé rectiligne des allées et des pelouses pour un décor plus naturel mettant en valeur les formes et les couleurs des végétaux, le tracé sinueux des allées incitant à la flânerie. Les limites du parc s’agrandissent en déportant la Rue Grande plus au nord dès 1849. L’église aussi change d’aspect dans ce premier quart du XIXème siècle, le vieux clocher est démoli, la façade actuelle est bâtie.
Anne-François Edmond de Paris, fils d’Alexis, meurt peu après son père le 30 septembre 1851 au début de la Seconde et éphémère République. Avec son épouse Antoinette Gabrielle de Constance Loppin de Montmort, ils ont eut deux enfants.
Anne-François Gratien de Paris né le 7 janvier 1837, Marquis de Paris et de Pontceaux-sous-Montreuil deviendra maire du village aux élections de 1866, occupera ce poste jusqu’en 1904 et sera conseiller général pour le canton de Montereau de 1871 à 1876 au début de la Troisième République sous l’étiquette de « conservateur ».
Son frère, Gabriel Antoine Georges de Paris, né le 20 décembre 1838, sera Lieutenant de Vaisseaux, Chevalier de la Légion d’Honneur.
Au château, les travaux sont poursuivis, les façades sont reprises, une maison est construite pour le concierge, la ferme est démolie et reconstruite en dehors du domaine, le parc est planté d’arbres rares venus des 4 coins du monde, séquoias, ginkgos, cèdres, sophoras, noyers d’Amérique, douglas et pins côtoient à présent les chênes séculaires. Des parterres d’arbustes variés et des centaines de rosiers égaient les grandes pelouses de leurs couleurs flamboyantes. Le cadastre de 1842 montre bien cette révolution. Le plan dessiné par M. Portat, géomètre de Montereau une vingtaine d’années plus tard en 1865 nous fait voir un parc semblable à ce que nous pouvons admirer aujourd’hui.
L’entrée dans la République
Déjà 20 ans que le chantier pharaonique du chemin de fer a scindé le village dans la vallée, qu’un autre chantier tout aussi gigantesque offrira un peu de travail aux hommes du village, c’est la construction de l’aqueduc de la Vanne. Imaginé par l’ingénieur Belgrand, cet aqueduc de 173 km doit acheminer 100 000 m3 d’eau potable par jour à la capitale en pleine transformation. Le chantier qui durera une dizaine d’années, de 1867 à 1876, sera interrompu deux ans durant la « Guerre de 70 ». La population de La Brosse-Montceaux n’est plus que de 432 habitants à la sortie de cette guerre.
Le jeudi 13 novembre 1890 eut lieu un événement sans pareil à la Brosse-Montceaux : Mgr de Briey, évêque de Meaux est venu consacrer un nouvel autel et bénir un chemin de croix dans l’église fraîchement restaurée. Restauration réussie grâce aux libéralités de Madame la comtesse Georges de Paris, au concours de M. le marquis de Paris et de M. l’abbé Mahé, curé de la paroisse. Les reliques de Saint-Potentien et de Saint-Claudien ont été scellées dans la table de l’autel. La grand’messe a été dite par M. le curé. Puis la visite des travaux de restauration commence. L’assistance peut admirer les nouvelles voûtes en ogives qui remplacent le plancher bois d’origine. Les clés de voûtes sculptées représentent les armes du Saint-Père, de Mgr l’évêque, des Paris, des Lareinty et des Poisieux. Enfin a lieu la bénédiction des 14 tableaux du chemin de croix peint par le marquis Georges de Paris lui-même.
Lorsque le vicomte François de Paris décède en 1907, c’est la lignée des de Paris, présente à La Brosse depuis plus de 2 siècles, qui s’éteint. Le château est vendu à un industriel parisien, propriétaire d’une briqueterie à Montereau, Monsieur Baudelot. Le village en 1911 ne comptait plus que 318 habitants dans 128 maisons, essentiellement des ruraux, cultivateurs, ouvriers agricoles, fermiers, charrons, charretiers ou domestiques pour les plus jeunes, les femmes n’avaient pas ou peu de métiers.
La Grande Guerre
Le samedi 1er août 1914, le garde-champêtre par son de caisse, avertit la population tout en collant l’Ordre de Mobilisation Générale, prévue pour le lendemain, sur le panneau d’affichage de la mairie. C’est la stupeur, alors que la moisson bat son plein et que la récolte n’est pas rentrée. Malgré des larmes et des cris, ce sont près de 40 hommes du village qui partiront résignés, défendre leur pays. Après 4 ans de guerre sans nom, 10 morts au combat, 2 morts de maladies et 1 disparu pour autant d’estropiés, de mutilés et d’aliénés, le village reprend doucement vie.
Décidée en 1927, réalisée en 1930, l’électricité arrive dans les maisons du village. 16 lampadaires éclaireront les rues, quel bouleversement ! Vers 1934, M. Baudelot vend son domaine à la Congrégation des Oblats de Marie Immaculée qui en fera un scolasticat afin de préparer ses étudiants à la prêtrise et à la Mission dans les quatre coins du monde. Ces jeunes gens se répartissent en deux groupes les « Romains » et les « Durs » ou les « intellectuels » et les « manuels ». Les journées se déroulent entre cours, méditations et travaux manuels.
Seconde Guerre Mondiale et Résistance
En 1939, encore la guerre ! C’est la mobilisation, tant parmi les hommes du village qu’au scolasticat. Le 15 juin 1940, après plusieurs bombardements aériens sur les ponts et la gare de Montereau, dans Villeneuve et à Pont-sur-Yonne, c’est l’invasion. Le château est occupé quelque temps par des unités allemandes qui y resteront jusqu’à la fin de juillet.
Le 22 juin c’est l’armistice. L’armée française est démobilisée, les hommes qui ont échappé aux combats rentrent à la maison, les autres, prisonniers ne rentreront qu’au compte-goutte ou à la Libération.
Les temps durs commencent pour tout le monde, restrictions, privations, humiliations sont le quotidien des Brossois. Si un grand nombre des habitants perçoivent dans le bon Maréchal un sauveur providentiel qui ferait tout pour soulager leur quotidien, les espoirs sont vite déçus. « L’occupation militaire, la politique de collaboration du gouvernement Laval, une connaissance plus précise du Nazisme, font que la mentalité de la maison évolue lentement… Le caractère foncièrement anti-chrétien du nazisme est mieux réalisé… L’apparition du STO va déclencher les premières manifestations d’opposition au régime de Vichy. » Père du Halgouët, OMI 1995.
Tôt, au scolasticat comme dans le village, des choix sont faits, même si personne ou presque n’a entendu le Général, on en parle. A Montereau toute proche, ville ouvrière, plutôt communiste, ville de garnison, la Manut’, le camp de prisonniers de guerre à Cimenfer, personne ne peut rester indifférent. Tout est propice à la germination de foyers de résistance, divers et variés suivant ses convictions politiques, son caractère et ses relations. Au scolasticat, dès l’automne 1941, les Courriers du « Témoignage Chrétien » circulent clandestinement à l’initiative du Père Piat. Des contacts existent entre des professeurs, la direction et des groupes de résistants à l’extérieur. L’assistance aux personnes est sans doute l’action prédominante. « Ne pas avoir à porter les armes » Dons du sang, soins à l’hôpital de Montereau, sauvetage des rescapés du train de Champigny, hébergement d’aviateurs tombés du ciel, de famille juive, de résistants isolés, traqués… « C’est au début de 1944 que l’engagement formel dans l’action résistante s’est précisé, au moins pour moi… » Père du Halgouët, OMI 1995.
Quelques jours après le débarquement, fin juin 1944, les messages : « Les lettres anonymes sont d’une grande bassesse ! » sur la radio des professeurs, annoncent l’arrivée de plusieurs tonnes d’armes. Vingt containers à chacun des deux parachutages, remplis de mitrailleuses « Sten », de grenades, de pistolets, de pains de plastic de munitions et parfois de chaussures, qu’une vingtaine d’hommes, qui ne se connaissaient pas forcément la veille, vont discrètement ranger dans le grand caveau du cimetière.
La suite, nous la connaissons tous. Un second parachutage qui ne se déroule pas bien, des erreurs d’appréciation, des maladresses ou des indiscrétions. Des aveux sous la torture, peut-être. Du pain bénit pour le sous-chef de la Sicherheitspolizei de la rue Delaunoy à Melun, Wilhelm Korf. Tortionnaire confirmé, plus de 40 assassinats à son actif dans le département, la déportation d’enfants juifs, il ne connaît que la brutalité. Et c’est ainsi qu’il entend s’y prendre pour savoir où sont cachées les armes ce 24 juillet 1944 aux aurores.
Après des heures de tortures à la baignoire ou au nerf de bœuf dans la salle du ciroir du scolasticat, Korf abat froidement le Père Gilbert en premier, puis le Frère Cuny. Suivront le Frère Périer, le Père Piat qui a été le plus torturé des cinq religieux et enfin le Frère Joachim Niot, le plus innocent de tous, devenu sourd et presque aveugle par les coups reçus. « …Vous avez vu ? Je vais continuer ! Six, sept, huit, neuf, dix, tant qu’il faudra ! On va vous grouper par dix !… ». Le massacre s’arrêtera par l’arrivée de quelques officiers de la Werhmacht. Les corps des victimes sont poussés du pied dans le trou béant du puits. Le scolasticat est dépouillé, les Oblats sont tous emmenés par camion à la caserne Damesne de Fontainebleau où ils seront interrogés sans torture durant quatre jours.
Le 28 juillet, les religieux arrivent au Frontstalag 122 de Royallieu de Compiègne sous l’étiquette : « coopérateurs passifs à la résistance ». Ils séjournèrent un mois dans cette antichambre des camps d’outre-Rhin avec pour compagnons d’infortunes tout un monde divers et bigarré, des politiques, des résistants, des juifs, des militaires alliés. L’évêque de Montauban, le maire de Toulouse, le Préfet du Tarn côtoient des manuels ou des professeurs, des gendarmes ou de jeunes du maquis. « …La semaine précédente, 1800 détenus partirent vers l’Allemagne, chaque semaine près de 200 nouveaux prisonniers arrivaient… Le 25 août nous quittons le camp pour Péronne à 70 km de Royallieu…. Le jeudi 31 août les grondements de l’artillerie alliée se font plus proches, nos gardiens prennent la fuite, le soir même la Croix-Rouge nous prend en charge, nous sommes libres…Pour moi, c’est en stop et en trois étapes que je regagne le domicile de mes parents à Landivisiau… » Père Jean Gueguen, OMI 1995.
Le 8 septembre, les Oblats quittent Péronne pour rejoindre leurs familles. Le Père Tassel et les Frères Convers reviennent au scolasticat, qu’ils retrouvent pillé, alors que depuis le départ de la Wehrmacht en pleine débâcle, personne n’a pu rentrer dans le parc. Les dépouilles des cinq oblats sont extraites du puits au milieu d’immondices jetées par l’occupant.
Le 16 octobre a lieu la cérémonie funèbre à laquelle participent de nombreuses sommités civiles et religieuses de Seine-et-Marne ainsi qu’une foule énorme venue rendre un dernier hommage aux héroïques victimes.
En 1946 est édifiée la Stèle dédiée à tous ceux qui ont donné leur vie pour les autres. « Nul ne peut avoir d’amour plus grand que de donner sa vie pour ses amis ». Cinq croix de bois signalent l’emplacement où sont tombés les Pères Gilbert et Piat, les Frères Niot, Cuny et Perrier le 24 juillet 1944.
Après la guerre, les Oblats de Marie Immaculée s’installeront à l’abbaye de Saulignac près de Limoges. Les sœurs occuperont le château jusqu’en 1974, date de l’achat du domaine par le Crédit Lyonnais pour en faire un centre de vacances. Il est dit que le directeur du Crédit Lyonnais, M. Claude-Pierre Brossolette a acheté le château en souvenir du séjour qu’y fit son père M. Pierre Brossolette, résistant pendant le conflit.
Sources : Archives Départementales de Seine et Marne Archives Nationales Bibliothèque Nationale Inscription de l’ancien diocèse de Sens Monographie Cannes-Ecluse. Eugène Blin Histoire illustrée de Seine et Marne. Maurice Pignard Cartulaire Général de l’Yonne. Maximilien Quantin 1860 Eglises du canton. Paul Quesvers 1891 Semaine Religieuse du diocèse de Meaux. Novembre 1890 Martyre des Oblats. Pères du Halgouët, Henry Chaigneau et Jean Gueguen O.M.I 1995 Texte écrit par Patrick Legarlantezec